

L'usine Crevet change de peau
L'avenue du Stand
Jacky Fontaine nous a ouvert les portes des anciens Établissements Crevet. Cette usine emblématique de Nevers, située avenue du Stand, se voit peu de la rue. Installée en contrebas des maisons d’habitation, elle s’étale pourtant sur 4,5 ha. Spécialisée dans la découpe de peaux de vaches, veaux, taureaux, moutons et chevaux, elle a tourné à plein régime jusque dans les années 90. La surface couverte représente 10.000 m2 en plusieurs bâtisses.
« Mains et ongles esquintés par le sel »
Jacky Fontaine en est le nouveau propriétaire depuis un peu plus d’un an. Il a racheté un site « formidable, au pied des Montapins, dans une zone Natura 2000 ». Cet entrepreneur en travaux publics, de Challuy, travaille d’arrache pied depuis des mois pour redonner aux lieux un autre visage.
Fondée par le père à la fin du XIX e siècle, la société se développe avec Michel et Georges Crevet, ses fils. Philippe Parize y a travaillé à partir de 1980. Il a débuté comme ouvrier et a terminé chef d’équipe. « Les peaux arrivaient des abattoirs par camions. On les montait sur une table de coupe. On les pesait, elles faisaient entre 40 et 60 kg. Autour de la table, on était cinq : deux monteurs, un coupeur, un qui prenait le croupon et un autre les flancs. On soulevait six cents cuirs à la journée. C’était un travail très physique et très dur. Le premier jour, je me suis dit que je ne ferais pas ma carrière ici. J’y suis resté vingt ans. 80 à 85 % des ouvriers étaient des Maghrébins, des Marocains surtout. C’était des bosseurs », se souvient Philippe Parize.
Pascal Bossuat a été dans les derniers à partir lorsque l’usine a fermé en décembre 2008. Il garde un très bon souvenir de cette époque. Ouvrier pendant vingt ans sur les tables de coupe, il se rappelle aussi la pénibilité du métier. « Le travail était très dur, mais il y avait une super ambiance. On portait des tabliers, des gants et des bottes. Quand les peaux arrivaient des abattoirs, on les brossait pour les débarrasser du sel qui les conservait. On les coupait et on les resalait au sel fin pour les stocker dans les frigos. Le sel rentrait dans les gants et les bottes, ça nous brûlait la peau. À force, on ne sentait plus rien. »
« On avait les mains esquintées par le sel, les ongles rongés, on attrapait la gale, des poux car les peaux étaient pleines de saumure et d’asticots, mais on était bien payés car les conditions étaient difficiles », explique Daniel Martin, chauffeur dans les années 70. « On partait du lundi au samedi, on sillonnait les abattoirs de toute la France. Quand on arrivait, on enlevait le gros sel qui recouvrait les peaux, on les roulait et les chargeait dans la remorque. Arrivés chez Crevet, on décrochait à quai, on raccrochait une remorque de sel qu’on emmenait aux abattoirs. C’était très dur. Michel et Georges Crevet étaient de bons patrons. Souvenirs de bonnes années. »
Dominique Romeyer
« Le dimanche aussi, il y avait du monde », André Morin
![]() L'avenue du StandAvec André Morin | ![]() L'avenue du StandRoute de Lyon. Avec André Morin. | ![]() L'avenue du StandLes jardins potagers. Avec André Morin. |
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![]() L'avenue du Stand | ![]() L'avenue du StandL'église de la route de Lyon | ![]() L'avenue du StandUne des rues traversantes du quartier. |
![]() Le stand de tir | ![]() Le stand de tir | ![]() Le stand de tir |
![]() Le stand de tir | ![]() Le stand de tir | ![]() L'ancienne usine Crevet |
![]() L'ancienne usine Crevet | ![]() L'ancienne usine Crevet | ![]() L'ancienne usine CrevetJacky Fontaine, nouveau propriétaire. |
![]() L'ancienne usine Crevet | ![]() L'ancienne usine Crevet | ![]() L'ancienne usine Crevet |
![]() L'ancienne usine Crevet | ![]() L'ancienne usine Crevet | ![]() L'ancienne usine Crevet |
![]() L'ancienne usine Crevet | ![]() L'ancienne usine Crevet | ![]() L'ancienne usine Crevet |
![]() L'ancienne usine CrevetPhilippe Parize, ancien ouvrier de l'usine Crevet |
Photos : Christophe Masson
Passé le pont de Loire, direction le sud par la Route de Lyon. De part et d’autre, deux quartiers. À gauche, celui de La Jonction et à droite, l’avenue du Stand qui s’étire jusqu’à l’ancien champ de tir, sur la commune de Challuy.
La digue de la Loire protège les nombreuses habitations qui ont poussé après la guerre. N’empêche, quand le niveau du fleuve monte, l’eau inonde parfois les jardins par infiltration.
Des milliers de tonnes de résidus déversées
André Morin, dit Dédé, habite le quartier depuis 1968, l’année de son mariage. Il se souvient de « l’inondation de 2003 et de 1983 ou 1984, à la Pentecôte, l’eau était remontée dans mon jardin ».
Sa maison est située en face des anciens établissements Crevet. Le site est immense. « À gauche, c’était chez Crevet, au milieu, dans le temps, il y avait une suifferie et dans les bâtiments sur la droite, l’équarrissage Nadeau qui a fermé en 1967. Les mauvaises odeurs qu’on sentait venaient des terrains de la Savac, juste à côté qui déversait des milliers de tonnes de résidus de fosses sceptiques et des usines jusque dans les années 72-75. À l’époque, on ne recyclait pas. Après, ça a fermé », explique-t-il.
Dans l’avenue du Stand, il y a eu jusqu’à trois cafés. Un à l’entrée de l’entreprise Crevet et deux autres avant le champ de tir. Ils ont tous fermé aujourd’hui. « Quand les ouvriers avaient une pause, ils allaient boire un coup et manger un casse-croûte. Le dimanche aussi, il y avait du monde. Surtout dans celui en face des petits jardins ouvriers, les gens s’y retrouvaient pour jouer à la pétanque », poursuit Dédé.
André est né à Challuy. Au gré des fermes où son père a travaillé comme ouvrier agricole, il a habité à Poiseux, Chevenon, Neuville-lès-Decize. À 14 ans, il fait son apprentissage dans la plomberie. Direction le quartier de La Jonction. Il vient loger chez sa tante. Quelques années plus tard, il retrouvera la ferme où elle l’envoyait chercher le lait, rue du Domaine-des-Sœurs de la Charité, vers le quartier de la rue de la Bagatelle.
Fan et supporter de l’USON Rugby « même quand Nevers était redescendu en 3 e division », Dédé apprécie le nouveau stade. En bon voisin, il ne manque jamais de venir soutenir une équipe en pleine ascension !
Dominique Romeyer